Les premières traces de civilisation autour d'Harcanville semblent dater de l'époque où Jules César vint conquérir la Gaule, vers l'an 57 avant Jésus-Christ. Une route dallée passait à l'endroit de l'actuelle route départementale 149. Le lieu-dit des "Treize fosses" aurait été un cimétière de cette époque.
Au 5ème siècle, les Saxons et les Francs envahissent le pays. Les guerriers francs fixent les limites de leur domaine et construisent une motte, butte de terre entourée de palissades pour se défendre. C'est ainsi que naquit Harcanville.
Que signifie HARCANVILLE ?
HAR voudrait dire force.
CAN signifie marécage ou mare très profonde qui ne s'épuise jamais.
En effet, il y avait autour de l'église, plusieurs béthunes, appelées marquets (mares), recevant les eaux du voisinage.
Dans la langue gallo-romaine, HARCANVILLE voudrait alors dire la ville où il y avait force (beaucoup) de marécages.
En langue germanique, l'origine d'HARCANVILLE pourrait être "domaine HERCHA" du nom d'une femme germanique.
Au 9ème siècle, les Normands ou Vickings envahissent à leur tour la Gaule. Les maisons deviennent plus grandes et plus solides. Elles sont construites pour durer longtemps et sont couvertes en chaume. Chaque paysan a son domaine, délimité avec précision par des talus de terre. Le seigneur délimite son domaine avec des bornes. La cour-masure est née.
Des maisons se regroupent pour assurer leur sécurité, défricher et exploiter les terres alentours : les hameaux se forment tels Pichemont, Quiévremont, Le Bout du Haut et Le Bois Robert.
Au 12ème siècle, il y avait 120 familles. Bosc-Adam est l'exemple typique du hameau cauchois : ensemble de cours-masures auquel on accède par une petite route.
A cette époque, on entend parler des Seigneurs de Banastre ; l'un d'eux accompagne Guillaume le Conquérant dans une expédition victorieuse en Angleterre en 1066.
La guerre de cent ans vient semer misère et désolation. En 1347, la peste noire emporte la moitié des habitants. Cultures et maisons sont détruites et les paysans sans ressources suivent des bandes armées et participent aux pillages. Un siècle plus tard, il n'y a plus que 30 familles à Harcanville.
A la fin du 15ème siècle, le Seigneur de Banastre, Seigneur d'Harcanville, sur son fief du Mouchel, se fait construire un manoir en briques et moëllons entouré d'un fossé rempli d'eau et défendu par un donjon aujourd'hui disparu.
Sous Henri V, une guerre civile entre catholiques et protestants trouve de nombreux partisans dans le Pays de Caux. En 1589, des affrontements ont lieu au hameau de la Bataille, position stratégique du fait que cet endroit s'élève au dessus de la plaine. Une ferme occupe aujourd'hui cet endroit.
Au 17ème siècle, Louis de Banastre hérite des terres d'Harcanville et d'un moulin à vent qu'il loue à un meunier, le Sieur Toutain. Pour des raisons inconnues, il vend ses terres. Le nom des Banastre disparait au 19ème siècle.
En 1857, il y a 950 habitants à Harcancille. Le travail se partage entre l'agriculture et le tissage. La prospérité des agriculteurs se remarque à la solidité des maisons et des bâtiments construits à cette époque. La population augmente : on passe de 90 à 140 feux en l'epace de 40 ans.
En 1851, on construit un presbytère sur une parcelle donnée par la Marquise de Biencourt. Dans la maison près de l'église, on logera la mairie, l'école et le maître. En 1863, on construit une nouvelle école pour les filles.
En 1885, des amis du Marquis de Biencourt, les Lemaignent, achètent ses terres et font construire le Manoir de Pichemont, qui existe encore de nos jours. Les nouveaux propriétaires sont fabriquants de tissu à Rouen et installent une ourdisserie à Harcanville pour confectionner des chaînes pour les métiers à tisser.
Au 19ème siècle, une fabrique de tissage à la main se trouve au hameau de Quiévremont. Plus de 200 tisserands y travaillent. Une fois par semaine, ils vont approvisionner le fabricant avec brouettes et carrioles, apportant la pièce de tissu finie et ramenant le coton pour en faire d'autres. On travaille chez soi, en famille : le père dirige la navette du métier à tisser et la femme tourne le rouet pour bobiner, pendant que le petit dort dans son berceau, habitué au bruit du métier.
En juin, les hommes partent pour les foins. Fin juillet, début août, c'est le grand départ pour les moissons à la faux et à la faucille. Les chariots passent prendre les moissonneurs et leurs matelas qui dorment dans les granges.
L'automne arrivant, les métiers à tisser reprennent leur rythme. Mais en 1936, ceci prend fin, le progrès conduisant le fabricant vers un tissage mécanique à Rouen.
A partir de 1860, les difficultés commencent à cause de la guerre de secession aux Etats-Unis. C'était le seul vendeur de coton des tisserands harcanvillais. Le port de Rouen ne reçoit plus de matière première, le prix du coton est multiplié par 4 et le salaire des tisserands divisé par 2. En deux ans, dans le canton de Doudeville, 5 des 30 ateliers fournissant du travail au tissage font faillite et 3500 tisserands (sur 7000) cessent leur métier.
Les tisserands doivent alors s'exiler vers les grandes villes et travailler dans les usines de tissage où ils gagnent très peu (2 francs par jour alors qu'un pain coûte 18 centimes et un poulet 2,33 francs).
Sous le règne de Napoléon III, on voit arriver le chemin de fer, ce qui inquiète ceux qui vivent du transport par voiture à cheval, mais qui donne de l'espoir aux petits industriels de la région. La voie ferrée part de Motteville, passe à Doudeville et s'arrête à Saint-Valéry-en-Caux. Grâce à elle, le hameau de Pichemont va prendre de l'extension : les briquetiers construisent de nouveaux fours à chaux et à briques. Des débits de boissons vont s'ouvrir. Un gazomètre est installé pour une usine à gaz.
En 1872, 39 % des Harcanvillais habitent Pichemont.
Au début du 20ème siècle, il y a 820 habitants à Harcanville. Il y a beaucoup de petites exploitations dont les occupants travaillent hors de chez eux, dans les fermes plus grandes ou au tissage.
En 1910, une nouvelle mairie-école est construite, symbole de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, et de l'indépendance par rapport à l'aristocratie. Les Harcanvillais ont confiance en l'avenir républicain où l'école occupe une place de choix. Pourtant, le maire de l'époque refuse que l'instituteur retire le crucifix accroché au mur de la classe comme en donne l'ordre l'inspecteur d'académie. Le préfet s'en mêle mais les édiles du village passent outre et raccrochent le crucifix en grande cérémonie. L'instituteur le décroche plusieurs fois et le ramène en mairie où il finit par rester définitivement.
En 1945, suite au voeu des administrés, une statue de la Vierge est érigée à la croisée des chemins face à la mairie, en remerciement du peu d'Harcanvillais morts à la guerre.
Un château d'eau est élevé sur la route d'Héricourt et cette commodité rend inutiles les talus et mares, réserves d'eau depuis le Moyen-Age. Les remembrements achèveront de les faire disparaitre, créant d'autres nuisances modernes : les inondations. En effet, toutes les eaux convergent vers le point le plus bas du village, en l'occurence l'école. Le 20 juillet 1980, l'eau monte à 80 cm à l'intérieur de la classe et du logement.
Pour stopper la dépopulation du village, la commune favorise l'implantation de nouvelles maisons qui apportent un grand nombre d'enfants : en 1978, on ouvre une seconde classe, préfabriqué aujourd'hui désaffecté, l'école étant fermée depuis 1987.